Fall of Man

Francis Jammes 1895


Quand Verrai-Je Les Îles . . .


Quand verrai-je les îles où furent des parents ?
Le soir, devant la porte et devant l’océan,
on fumait des cigares en habit bleu barbeau.
Une guitare de nègre ronflait, et l’eau
de pluie dormait dans les cuves de la cour.
L’océan était comme des bouquets en tulle
et le soir triste comme l’Eté et une flûte.
On fumait des cigares noirs et leurs points rouges
s’allumaient comme ces oiseaux aux nids de mousse
dont parlent certain poètes de grand talent.
O Père de mon Père, tu étais là, devant
mon âme qui n’était pas née, et sous le vent
les avisos glissaient dans la nuit coloniale.
Quand tu pensais en fumant ton cigare,
et qu’un nègre jouait d'une triste guitare,
mon âme qui n’était pas née existait-elle ?
Était-elle la guitare ou l’aile de l’aviso ?
Était-elle le mouvement d’une tête d’oiseau
caché lors au fond des plantations,
ou le vol d’un insecte lour dans la maison ?

When Will I See the Islands . . .


When will I see the islands where my forefathers were?
In the night, before door and ocean,
we smoked cigares dressed in cornflower blue.
A black man strummed at his guitar, and water
rain water slept in courtyard tanks.
The ocean was like a flower lace bouquet, and the night
the sad night was like the summer and a flute.
Dark, we smoked cigares and their red tips
they flickered as those birds in foaming nests
about which certain poets talk.
O Father of my Father, you were there before,
before my spirit was even born, downwind
of dispatched ships, slipping through the colonial night.
When you thought—as you smoked your cigare,
and that black man played his sad guitar—
did then my unborn soul exist?
Was it the guitar or the sails of those dispatched ships?
Was it the movement of the heads of those birds
hidden in the depths of the plantations,
or perhaps the flight of insects heavy in the house?

Fall of Man